"Hey Hey My My Rock'n'roll will never die"!
Neil Young, 1979, album Rust Never Sleeps
Pauvre Mick Jagger! Se faire censurer en plein super bowl pour quelques textes osés, « you’d make a dead man cum » et « now I’m just one of your cocks ». Et de façon totalement ridicule, genre frappe chirurgicale : en coupant son micro aux moments précis ! Comme la cigarette de Macca sur la pochette d’Abbey Road : à la trappe. Et oui, c’est que le rock n’en finit pas de faire son retour depuis cinq ans. Mais clean, comme revenu d’une cure de desintox. T Shirts « I love Rock’n’roll » chez Pimkie, platines vinyl en vitrines de magasins, les remix des tubes à guitares, jeans Levi’s revenus à la mode, Iggy Pop dans une pub idiote, strings Motorhead chez H&M, guitares vintages hors de prix accrochées aux murs des restos, la nouvelle scène garage parisienne, les top models en cuir, les pages de Cosmo ou Elle consacrées aux rock stars…
Même vos parents adorent. Même la gérontocratie qui étouffe la France adore. « Tous à vos déguisements : payez chers vos places de concerts, vos disques, vos fringues et faites pas chier … » Les groupes sont désormais qualifiés de « sympa », voire « super sympa » : quel enthousiasme ! Normal, la quasi-totalité des groupes « rock’n’roll » quelque peu médiatisés font exactement ce que les vieux attendent d’eux : générer du business en faisant revivre le passé, une fois les défauts, le sulfureux et le sale gommés.
A-t-on oublié que nos chers amis Beatles ont écrit des textes misogynes “you’d better run for your life if you can little girl, if I catch you with another man it’s the end”, que Brian Jones le fondateur des Stones trippait sur le III Reich, qu’Elvis se droguait, que Teenage Kicks parlait d’éjaculation précoce, qu’Ike battait Tina, que Jerry Lee Lewis a sûrement tué et violé « it’s good for you honey, it won’t do you no harm », que la seule paye des musiciens de Little Richards était le droit de sucer leur boss, que Sid a failli balancer Nancy par la fenêtre, que Chuck Berry faisait partie de la pègre, qu’Hendrix est mort défoncé dans son vomi, j’en passe et des meilleures…
De tous ces groupes et artistes qui ont changé l’histoire de la musique, on n’a retenu que le côté carte postale style « Carnaby Street ». Style « That Seventies show ». Les ersatz actuels des gloires passées (ces losers, ces marginaux autrefois érigés en héros) ont bien intégré la logique des recruteurs de talents. Tout dans la forme et rien dans le froc. Pas de conception sociale ou d’opinion politique trop marquées. Bref ils marchent au feeling comme les DRH cherchent des profils originaux, c’est dire l’excitation.
Pour en revenir aux Stones, pas étonnant que leur logo « langue rouge » (dessiné par John Pasche) soit resté comme l’élément le plus évocateur de ce qu’ils représentent : un label, une marque de fabrique, une sorte de grade universitaire surtout utilisée à partir du milieu des années 1970 pour se vendre et faire tourner leur fonds de commerce. Est-il nécessaire de rappeler qu’ils commençaient alors à sortir leurs premiers disques insipides et ignorés.
Alors Jagger peut bien se plaindre d’avoir été censuré en 2006 mais c’est sûrement ce qui est arrivé de mieux à son groupe depuis belle lurette: le rock, même joué par des papys, peut encore faire peur. Car c’est par le scandale et l’imprévu que le rock accouche d’icônes à qui on peut s’identifier plus de trois mois ; temps qu’il faut pour que la collection hiver de chez Zara devienne has been.
“My My Hey Hey Rock’n’roll is here to stay” comme disait Neil Young: oui mais à condition qu’il soit “rebel without a pause” voire “without a cause”.
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