Cocorosie me fait penser à une fille que j'ai connu il y a quelques années en Norvège...
Cocorosie me fait penser à une fille que j'ai connu il y a quelques années en Norvège. Non seulement Rosie Coke avait un nom semblable à celui du groupe des deux sœurs de Brooklyn, mais partageait ce même côté artiste rêveur. C'est à dire à la fois familier et chaleureux mais qui intrigue car il nous échappe.
La personnalité de Rosie était à la fois douce et farouche comme la musique de Bianca et Sierra. Chez elle, le rapport à l'enfance conditionnait sa façon de vivre à l'âge adulte ; pour ainsi dire, elle ne souciait pas de ce que les autres pensaient d'elle ou de ses créations ; et c'est pourquoi elle était toujours un peu étrange mais naturelle. Comme si elle refusait de jouer un seul rôle défini (l'adulte).
De même, la démarche de Rosie et Coco (deux surnoms issus de l'enfance) peut tout d'abord dérouter, voire irriter l'auditeur. En effet, entre les bruits de jouets, d'animaux, les textes banals et poétiques, on pense d'abord avoir affaire à de jolies poseuses arty. Quand on apprend qu'elles travaillent sur un opéra, tournent des courts métrages et peignent, on se dit qu'elles en font trop. En réalité, leur vie est placée sous le signe de l'art, ou plutôt sous celui de la création, au sens le plus innocent du terme ; comme pour les enfants qui inventent des histoires avec leurs petites voitures, leurs poupées, dessinent, ont des amis imaginaires, font de la patte à modeler.
"La maison de mon rêve", premier disque enregistré en amateur avec peu de moyens, témoigne de cette envie de s'exprimer sans se soucier des codes établis, même si Bianca travaillait dans l'art contemporain et que Sierra se destinait à une carrière de soprano. Si le groupe psyché folk, repéré comme dans les contes de fée par un producteur sous le charme, est désormais fortement plébiscité, c'est qu'il nous offre une plongée dans l'intimité de deux filles (amitié, famille,sexe, religion, Amérique). Très jeunes, elles ont été séparées et ne se sont pas vues pendant dix ans avant de se retrouver à Paris, en 2003. Leur enfance mouvementée a aussi été marquée par un père aux influences chamanistes. Ainsi l'âme de fillette qui sommeille dans ces corps de femmes est toujours prête à resurgir.
La plupart des textes ont été écrits par Bianca. Sierra s'est occupée de la partition (guitare, harpe, piano, bidouillages). La rencontre de ces deux univers donne alors naissance à des morceaux qui sont de véritables mises en scène, ce qu'elles reconnaissent volontiers : « C'est des rôles qu'on joue. Nos voix varient selon la personnalité du personnage à interpréter ». Elles insufflent ainsi à chaque fois une part différente de leurs personnalités dans chaque titre.
Si elles aiment les histoires d'amour, les écrivains pour enfants comme Roald Dahl, l'auteur de « Charlie et la chocolaterie » ou Rimbaud, leur petit monde féerique se fait parfois inquiétant. Sierra confirme que l'opéra est maintenant une sorte de fantôme. « Je lui voue toujours un amour profond mais il ne fait que me hanter». Le duo doit une partie de sa notoriété au petit ami de Biance, Devendra Banhart, qui lui a permis de se faire connaître lors d'une tournée commune. Avec leur second disque, « Noah's Ark », elles ont poursuivi leurs explorations et accentué le travail sur l'espace sonore ( ce qu'elles nomment le « soundscape »). Et si les fans de la première heure regretteront une « production » plus léchée, force est de reconnaître que les sours Casady, savent envoûter de la manière la plus franche et naïve, sans pour autant vouloir vous conquérir, comme Rosie que je n'ai jamais revue depuis et dont je n'ai presque plus de souvenirs.
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