Signé sur l'obscure label Wikkid, le collectif rennais s'est progressivement imposé en tant que groupe spectaculaire à la fois sur disque et sur scène. Fort d'une tournée mondiale qui leur a permis de travailler avec Tricky et Jamalski entre autres, les sept rennais viennent de publier leur second album "Elnar" (ndr "le feu"). Plus organiques et toujours aussi éclectiques les compositions oscillent entre funk, dub et hip hop parfumés de saveurs orientales percutantes. Rencontre avec les deux frères Irakiens, Naufalle puis Wamid.
Ghislain Chantepie et Olivier Rigout: Bonjour, on va commencer par une question simple : comment tu t’appelles ?
Naufalle (chant): Naufalle, N-A-U-F-A-L-L-E.
GC/OR: Bon, comme on a pas trop préparé l’interview, on va parler de vos influences.
N : Comme on est beaucoup dans le groupe, et qu’on écoute plein de disques, c’était une évidence qu’il y ait aussi bine du jazz, que du Hip Hop, de la musique arabe, du dub…En plus vu que moi et mon frère qui fait la basse sommes Irakiens, on ne voulait pas que notre musique soit définie comme de la « drum and bass orientale » ou je ne sais quoi.
GC/OR : A vous voir sur scène on sent que vous avez beaucoup jammé, quand avez-vous eu l’idée de vraiment écrire des chansons ?
N : La formation de départ n’a cessé d’évoluer. Maintenant on s’est stabilisé à sept et on a découvert l’écriture vers 1995 avec… l’achat d’un sampler. Ca nous a appris à structurer à partir d’un squelette électronique. Mais c’est vraiment avec le second album qu’on a « composé ». C’est notre « disque de la maturité ». Ahaha !
GC/OR : Oui mais pour tout vous avouer, on n’a rien compris aux paroles, même à celles de Severine…
N : En fait elle chante en anglais, mais fait beaucoup de vocalises, c’est pourquoi on dirait du scat. Elle évoque plutôt des thèmes personnels alors que moi j’essaye plutôt de donner mon point de vue sur la vie, en tant que franco-arabe ou arabo-français. Je ne verse pas vraiment dans la dénonciation politique mais disons que mes textes sont des chroniques de ma vie, et parfois des relations orient/occident.
GC/OR : Quand vous jouez de la musique, quelle est votre motivation, à qui vous adressez-vous ? On pensait que le public allait être plus métissé ce soir…
Wamid (basse) : Au départ, on cherche à faire danser les gens, après on joue pour n’importe qui. Disons plutôt pour tout le monde.
GC/OR : Pouvez-vous nous parler de votre mini succès et du label Wikkid ?
W : C’est super ! Ils nous laissent faire tout ce qu’on veut. On a vendu 5000 disques déjà et on est distribué dans 29 pays.
GC/OR : Comment ça se fait ?
Wamid : L’Alliance Française nous a beaucoup aidé pour ça. Elle nous trouve des plans. On a joué en Pologne, en République Tchèque…Même en Italie, alors qu’on pensait qu’ils n’écoutaient que de la variété de merde. On s’est aperçu qu’il y avait un public nombreux et demandeur de dub, Hip Hop…
GC/OR : Vu que vous venez de Rennes, il vous arrive de jouer devant des punks à chien ?
W : C’est bien qu’on parle de ça ! Rennes, c’est une ville qui bouge beaucoup, c’est assez populaire et convivial. Mais ça s’appauvrit et en plus on a une prefette qui ne fait qu’empirer la situation. Tiens, la semaine dernière j’ai vu des jeunes, pas des voyous, mais des étudiants en sciences sociales, en lettres, se faire gazer pour rien par les CRS ! La culture parlementaire est vraiment mise à mal.
GC/OR : Un mot sur les Transmusicales ?
W : Sans jouer le vieux con c’est vrai que « c’était mieux avant ». Disons que c’est comme la disparition des petites épiceries dans les centres-villes. Maintenant il faut aller dans des centres commerciaux en périphérie pour consommer. Le coup des Trans dans des hangars à perpette c’est la même chose. Du coup, bye bye le festival off. Je dis pas que de temps en temps il n’y a pas une poubelle de renversée ou brûlée, mais en général il n’y a que très peu de fouteurs de bordel. C’est pourquoi avec les manifs contre la prefette on se sent vivre.
GC/OR : Et pour oublier cette triste réalité vous êtes plutôt bière ou joints ?
W : Les deux, d’ailleurs il reste plus rien ce soir !
GC/OR : Dernière question, est-ce que votre rêve c’est de vivre de la musique?
W : Bien sûr mais on se fait pas d’illusions. Dans le groupe tout le monde travaille, ou est étudiant, moi je suis intermittent du spectacle. Et puis vous savez, même le mecs d’Asian Dub Foundation galèrent…
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