lundi 23 juin 2025
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Picked Out
Sortie:
Portishead
"Third"

Critique:
Little Barrie
"We Are Little Barrie"

Article:
Interview Adam Green
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Depuis le 22/04/2005

Dernière visite:
23/06/2025 à 23:07
The times they are changin'?

Admit that the waters
Around you have grown
And accept it that soon
You’ll be drenched to the bone.
If your time to you
Is worth savin’
Then you better start swimmin’
Or you’ll sink like a stone
For the times they are a-changin’”

Bob Dylan, 1963

http://www.bobdylan.com/albumpic/times.jpg

“Après avoir effectué un sérieux travail d’investigation, j’ai acquis la certitude que le rock était de retour. En même temps ceux qui s’intéressent à la politique le savaient déjà : en janvier dernier Bernard Accoyer président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale avait prédit que « L’année 2006 serait rock’n’roll ». Allez savoir s’il avait prévu les manifestations anti CPE-Villepin ou le single des Wampas « Chirac en prison ». J’imagine qu’il devait plutôt faire allusion à la tuerie crossover rock/rap dégotée par Nicolas Sarkozy pour illustrer son spot vidéo « Mon Pays France ».

Oui, vous avez bien lu : Nicolas Sarkozy s’est mis au rock’n’roll. Si ça c’est pas un signe que le rock est de retour et que les temps changent. C’est d’ailleurs écrit noir sur blanc sur son blog officiel: « la société française est prête au changement ». Musicalement, la missive du ministre de l’intérieur oscille entre Saez et la Rumeur (le groupe de rap français qu’il avait traîné en justice pour délit de diffamation publique envers la police nationale) ! Et au niveau des paroles c’est assez engagé. Premier extrait : « trop de gens se plaignent de nos politiciens qui se tuent la vie tous les jours comme des chiens à se préoccuper du bien-être de tous les citoyens ». C’est marrant ça me fait penser aux Beatles: “ It's been a hard day's night, And I've been working like a dog “. Mais suis-je bête ! UMP ça veut dire « Union pour un Mouvement Populaire » : Union pour un Mouvement Pop.

Cependant les autres paroles sont bien plus violentes. C’est pourquoi on en vient à se demander si UMP ne signifie pas également « Union pour un Mouvement Punk ». Second extrait : « Certains abusent des dons financiers publiques/ Sans même avoir cotisé un moindre fonds d'ASSEDIC/ Aucun se rend compte que tout devient critique ». On croit rêver ! Sarkozy en arrive au même constat que les Wampas qui chantent : « J'attends 2007/ C'est mon seul espoir », « faut que j'aie confiance en la justice française », « Chirac en prison », « Pourtant y'a cinq ans j'avais voté pour lui ».

Sarkozy punk ? Pas vraiment étonnant quand on sait que la secrétaire générale adjointe du parti, Roseline Bachelot, « porte une véritable vénération à Iggy Pop». Qui sait, peut-être qu’en cachette elle s’écoute des disques des Dead Kennedys voire de leurs homologues français, les Dead Sarkozys !

J’en viens presque à croire que Sarkozy a fait de l’entrisme. Jusqu’à présent on ne lui connaissait que son amitié avec Michel Sardou à qui on avait envie de dire « arrête ton char Ben-Hur on goudronne ». C’est vrai que l’apologie de la peine de mort (Je Suis Pour) c’est un peu vieux jeu, tout comme la nostalgie du colonialisme (Le Temps Des Colonies). Faisant désormais table rase du passé, Sarkozy pose en véritable Joe Strummer français des années 2000. Troisième extrait de son brûlot : « Qui mieux placé que Sarkozy nous montre la réalité ?/ Je rêve que mon pays France reprenne vie/ Que le mouvement populaire nous redonne l’avenir ».
A côté de Chirac qui dîne régulièrement avec Johnny Hallyday, Sarkozy semble effectivement incarner la rébellion et la jeunesse.

Remarquez dans les autres pays, rock’n’roll et politique font bon ménage depuis longtemps. Par exemple, en 1970 Elvis avait adressé en 1970 une lettre à Richard Nixon où il dénonçait un complot communiste et demandait à être nommé agent fédéral. Le président des Etats-Unis avait alors remit à Elvis un badge du Bureau des narcotiques, en échange d'un Colt 45 (plaqué or) offert par le chanteur.
Dans le même registre, l’ex-président de la République Tchèque, Vaclav Havel était pote avec Frank Zappa et Lou Reed. En tant que fan du Velvet Underground, il a même nommé le renversement pacifique du gouvernement communiste en 1989 « la révolution de velours ».
Tony Blair, guitariste à ses heures perdues et Oasis vidaient également des flûtes de champagnes ensemble. Un soir de 1996 aux Brit Awards, Liam Gallagher complètement défoncé, avait même déclaré devant des millions de téléspectateurs « Tony Blair me redonne espoir : Power to the People ».

Alors désormais c’est sûr ; en France les temps changent. Le rock est de retour. Tout le monde est rock. Tout le monde est rebelle. Même Nicolas Sarkozy, même l’UMP. Même Le Figaro, même Zara, même LVMH, même SFR, même Canalsat… Et dire que certains ringards croient que 2006 c’est l’année de Mozart !
Tout le monde est rock. Tout le monde est rebelle. C'est-à-dire personne. Car l’essence même du rock c’était la transgression des règles en vigueur. Etre un freak ou comme dirait Howard Becker, un déviant, un outsider. C’était se mettre en danger. Inventer. Avoir des convictions en porte-à-faux avec celles des aînés. Etre contre quelque chose. D’où la libération des corps par Elvis, la libération des esprits par Dylan…

Dans un essai intitulé « Révolte consommée, le mythe de la contre-culture » deux universitaires canadiens nommés Andrew Potter et Joseph Heath expliquent d’ailleurs pourquoi être rock dans la forme revient au fond à nier son sens originel: « Voilà trente ans que les mouvements « jeunes » qui ont fait des révolutions et brandi bien des guitares, pensent incarner la rébellion face à une société capitaliste méchante et injuste. Mai ces contre-culturels se trompent. Ils sont le centre de la culture aujourd’hui, et les valeurs rock and roll qu’ils défendent, individualisme, épanouissement personnel et culte du cool, sont exactement celles prônées par le capitalisme et la branchitude. Cette dernière étant l’avant-garde de la culture populaire ».
Alors ? « Qui mieux placé que Sarkozy nous montre la réalité » ? Depuis toujours les sociétés ont besoin de héros et de nouveaux signes auxquels s’identifier. Le crépuscule des idoles n'est donc ni pour aujourd'hui ni pour demain. Or, il est actuellement évident que de la « contre-culture rock » est devenue monotone, régressive et passéiste. Pour le sociologue Ugo Palheta « elle semble avoir été prise dans un cercle vicieux car perpétuellement récupérée, diffusée et affadie par l'esprit de sérieux des raisonnables et des assis ».
Si les temps changent c’est que l’illusion du cycle de la mode fonctionne à merveille. Et le conformisme est alors érigé en anticonformisme. Pourtant si Hendrix avait vingt ans aujourd’hui, il s’exprimerait sûrement avec autre chose qu’une guitare…

« Dans un siècle corrompu, le plus sûr est de faire comme les autres ». Sade (Justine)
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